Guide pratique sur la formation d’un arbre

Lorsque j’ai débuté en bonsaï, je ne savais pas trop par où commencer pour créer un beau bonsaï. Je n’avais pas de méthode, ou pas de technique sur laquelle me fier. Avec le temps, j’ai observé plusieurs artistes que j’admire travailler leurs arbres et j’ai suivi plusieurs ateliers de formation qui m’ont permis de développer une certaine logique que je respecte lorsque je mets en forme un arbre pour la première fois. Inspirée des Brian Donnelly, François Calovi, Alain Goulet, Louis Dallaire ou encore Yves Létourneau, ce technique me permet de tirer les plus belles qualités (que je suis capable d’observer) de chaque arbre que je rencontre. Voici donc un petit guide pratique qui saura, je l’espère, vous inspirer pour vos propres créations.

Voici un arbre que j’ai travaillé pour la première fois ce soir, 14 août 2014:

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Étape 1: Nettoyer le sol

Lorsque j’ai un arbre à l’état brut comme celui-ci, la première étape consiste à nettoyer l’arbre. Je commence par enlever les mauvaises herbes à la surface de mon sol de façon à bien dégager les racines de l’arbre pour voir le nebari (étalement des racines à la base du tronc). Dans le cas d’aujourd’hui, j’ai bien nettoyé la surface du sol, mais aucun nebari n’est présent ou du moins pourrait influencer mon choix du devant de mon arbre.

Étape 2: Enlever les branches mortes

Il me sera impossible de visualiser le résultat final de mon travail si j’ai une multitude de branches mortes qui me cachent la vue. Je procède donc à l’élimination de celles-ci puisque de toute façon, ces branches ne se retrouveront pas dans le design final de mon arbre, à moins de vouloir en faire un jin. Dans le cas d’aujourd’hui, les branches mortes n’étaient pas assez grosses ou pas assez bien placées pour en faire des jin intéressants, c’est pourquoi j’ai supprimé toutes les branches mortes.

Voici le résultat après avoir nettoyé le sol et enlevé les branches mortes:

 

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Étape 3: Déterminer la ligne de tronc principale

C’est l’une des étapes les plus longues de tout le processus et probablement la plus déterminante de toutes. Lors de cette étape, il faut évaluer toutes les possibilités. Pour chaque ligne possible, il faut visualiser où se retrouveront les branches principales, sont-elles bien placées? Sont-elles bien placées dans l’espace tri-dimensionnel?

On doit également s’assurer que le mouvement de la ligne de tronc sera intéressant pour le style que l’on désire donner à l’arbre. À cette étape, il est important d’ajouter qu’on ne peut pas créer un arbre de toute pièce, c’est-à-dire qu’on ne peut pas partir d’une image vue sur internet et décider de recréer celle-ci de façon identique. On doit faire avec les caractéristiques que l’arbre nous donne et créer l’arbre en conséquence. On ne peut pas forcer un arbre à devenir quelque chose qu’il n’est pas!

La conicité de l’arbre est-elle intéressante? Sinon, on peut toujours remplacer la cime d’un arbre par une branche secondaire plus petite, ce qui contribue à donner une impression de conicité sur notre ligne de tronc principale.

Dans le cas à l’étude ce soir, il y avait 3 lignes de tronc qui partaient même endroit à la base. Comme les 3 lignes sont de grosseur similaire, il n’est pas possible d’en récupérer une pour en faire la branche principale. Une branche primaire ne peut pas être de la même grosseur que la ligne principale du tronc. C’est pourquoi je devais étudier chacune des lignes possible pour chacune des 3 branches.

Voici le résultat après avoir éliminé une première branche:

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La branche qui a été éliminée ne comportait aucune branche assez basse pour en en faire la ligne de tronc principale. De plus, elle n’était pas très bien ramifiée, ce qui m’aurait laissé peu d’option pour le design de l’arbre.

Voici le résultat après avoir éliminé la deuxième grosse branche:

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Dans ce cas-ci, le choix a été un peu plus ardu. Les 2 lignes de tronc comportaient des avantages intéressants, mais la 2e ligne de tronc comprenait des branches primaires dont la grosseur n’allait pas en diminuant graduellement, c’est-à-dire que la 2e branche primaire était beaucoup plus grosse que la première, qui se doit normalement d’être la plus puissante de toutes. Vous pouvez donc observer ci-haut la ligne de tronc principale. À cette étape, il devient plus facile de s’imaginer la forme que pourrait prendre l’arbre.

Étape 4: Ligaturer la ligne de tronc principale

Pour cette étape, on doit s’assurer que le fil de ligature soit bien planté dans le sol afin d’avoir un bon ancrage pour ajouter du mouvement au bas de l’arbre. Aussi, il est important de choisir la bonne grosseur de fil qui nous permettra d’insérer le mouvement voulu au bon endroit sur l’arbre. Je fais toujours plusieurs tests avant de trouver ma ligne de tronc finale. J’essaie de plier mon tronc pour que mes branches primaires arrivent au bon endroit, c’est-à-dire à l’extérieur des courbes. Je place donc mes courbes en conséquence et je prends ensuite du recul pour voir si le résultat est intéressant, puis j’apporte des correctifs. Je procède ainsi jusqu’à ce j’aie trouvé une ligne de tronc qui me convient bien.

 Dans le cas présent, les premiers 5 cm du tronc ont déjà un mouvement intéressant mais la 2e portion devient droite et monotone en plus d’être trop longue. Le plan était donc d’ajouter des courbes dans le tronc pour ajouter du mouvement et pour rendre le feuillage plus compact.

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Vous pourrez voir dans la prochaine image que le tronc est maintenant plus compact et que son mouvement est plus intéressant.

 

Étape 5: Ligaturer les branches primaires/éliminer les branches indésirables

Je ligature en suite les branches primaires et je les mets en place. J’essaie le plus souvent de ligaturer 2 branches primaires ensemble car cela génère moins de congestion au niveau des fils de ligature. Cela demande plus d’organisation et requiert de prévoir une étape à l’avance le placement des fils, mais avec de la pratique, on s’habitue rapidement. À ce sujet, la lecture du livre «Bonsai techniques 1» de John Yoshio Naka est un incontournable. De pair avec cette étape, on peut maintenant éliminer les branches qui ne serviront pas dans le design final. Plusieurs raisons peuvent expliquer l’élimination d’une branche. Parmi les plus fréquentes, on retrouve des branches situées à l’intérieur des courbes, des branches dont le diamètre ne concorde pas avec la hauteur ou elles sont placées sur l’arbre, des branches qui pointent directement vers l’observateur, des branches dont le feuillage est trop éloigné du tronc ou encore des branches qui sont placées d’un côté où il y a déjà une branche au même endroit. C’est souvent en ligaturant et plaçant les branches primaires qu’on réalise que d’autres branches ne pourront pas être utilisées.

Dans la photo ci-bas, j’ai finalisé ma ligne de tronc principale jusqu’aux 2/3 de l’arbre; la formation de la cime est souvent gardée pour la fin. J’ai également ligaturé les deux premières branches primaires ensemble et je les ai placées au bon endroit dans l’espace. C’est souvent en plaçant les premières branches primaires dans l’espace tri-dimensionnel que l’on réalise de façon définitive les branches qui doivent être coupées et celles qui doivent être conservées. À cette étape, il est important de s’assurer qu’on place des branches dans les 3 plans principaux: gauche, droite et arrière. On ne placera généralement pas de branche avant avant d’avoir atteint les 2/3 de la hauteur de l’arbre, soit la cime, puisque l’on désire que la ligne du tronc soit visible pour l’observateur.

 

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Étape 6: Formation de plateaux

C’est maintenant une des étapes les plus plaisantes, car c’est à cette étape que l’on voit le plus l’arbre prendre forme. Une fois les branches primaires bien en place, c’est le temps de ligaturer les branches secondaires, tertiaires et quaternaire s’il y a lieu. C’est étape est l’une des plus longue et où il y a le plus de travail à faire, mais le résultat au terme de cette étape est très gratifiant. On place les branches dans le but d’en faire de petits plateaux, tout en conservant à l’esprit que la silhouette de l’arbre devrait donner un triangle scalène. C’est donc à cette étape qu’on peut raccourcir les pousses qui sont trop longues pour entrer dans la composition de l’arbre.  Pour l’instant, on peut former les plateaux et les laisser un peu plus large par précaution. L’ajustement de la silhouette finale de l’arbre et de la largeur des plateaux se fera à la fin. Même si elles ne seront pas nécessairement visibles sur photo, il est important d’ajouter du mouvement aux branches secondaires. L’arbre aura alors une apparence plus naturelle pour ceux qui le regarderont de près.

Étape 7: Formation de la cime

La formation de la cime de l’arbre est un sujet complexe. À cette étape, on ajoute les dernières formes dans la portion finale du tronc et on vient placer les branches formant l’apex de façon à obtenir une cime arrondie. On notera que la cime pointe souvent dans la même direction que l’arbre. On doit aussi veiller à ce que la largeur de la cime soit en bonne proportion avec la hauteur de l’arbre. Un arbre dont la cime est aussi large que la hauteur de l’arbre n’aura pas l’air naturel. On doit donc faire en sorte que celle-ci soit fine et délicate, contrairement à la base de l’arbre que l’on désire plus puissante.

Étape 8: Ajustement de la silhouette

C’est maintenant l’étape finale. On vient mettre les dernières retouches afin de donner son aspect final à l’arbre. À l’étape 6, on a volontairement laissé quelques plateaux plus larges par précaution. C’est maintenant le temps de les raccourcir en largeur afin que chacun d’entre eux cadre bien avec la silhouette de l’arbre. N’hésitez pas à tailler progressivement et à prendre du recul pour observer le résultat. Lorsqu’on coupe, on ne peut pas revenir en arrière.

Voici donc le résultat de la mise en forme de ce soir:

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