Comment concocter un substrat presque parfait sans même sortir de Québec

Vous aurez certainement remarqué le ”presque” dans mon titre. Par ce terme, je réfère au substrat ”parfait”, qui est en fait celui utilisé majoritairement au Japon et dont voici la formule:

Substrat pour conifères:

  • 1 part d’akadama
  • 1 part de pierre volcanique
  • 1 part de pumice (pierre ponce)

Substrat pour feuillus:

  • 2 parts d’akadama
  • 1 part de pierre volcanique
  • 1 part de pumice (pierre ponce)

Je n’invente pas cette formule. Le talentueux Bjorn Bjorholm y réfère souvent dans ses vidéos, dont la plus récente série est le ”Intermediate bonsai course”. Il n’est pas le seul à utiliser ce fameux substrat. Boon Manakitivipart, un artiste Californien reconnu, a lui aussi adopté cette formule après un stage intensif au Japon. D’ailleurs, sur le site weetree, on y réfère en tant que Substrat de grade professionnel. Dans le cas de Boon, on ne fait pas la différence entre le mélange pour conifères et feuillus, mais il ajoute du charbon horticulturel pour éviter le développement de moisissures. Voici la recette du substrat de Boon:

Substrat de Boon Manakitivipart

  • 3 parts d’akadama
  • 3 parts de pierre volcanique
  • 3 parts de pumice (pierre ponce)
  • 1 part de charbon horticulturel

Il est donc possible de reproduire ce substrat ici-même à Québec en vous procurant ”presque” toutes les composantes dans des magasins de Québec. Voici donc mon mélange ”presque” parfait.

Substrat de Christopher St-Laurent Pedneault

  • 3 parts d’akadama
  • 3 parts de pierre volcanique
  • 3 parts de perlite
  • 1 part de charbon horticulturel

À noter que je ne fait pas la préparation pour feuillus car nous ne vivons pas dans un climat assez chaud pour nécessiter un substrat à haute rétention d’eau. Analysons donc la disponibilité et l’aspect de chacune de ces composantes.

Akadama

L’akadama est sans contredit l’élément le plus coûteux de ce mélange.  Malheureusement, c’est aussi lui qui est le plus difficile à remplacer. L’akadama est la composante organique du substrat. Il s’agit d’argile qui a été cuite à haute température puis fragmentée en particules de petites taille, 2-5mm dans le cas présent. C’est donc l’akadama qui fait office de ”sol” si on veut, en fournissant des ions et des molécules organiques pour les arbres. Il a aussi la particularité de rester en grosses particules tout de suite après le rempotage, améliorant le drainage lors qu’il n’y a pas beaucoup de racines dans le pot, et de se fragmenter en particules fines au fur et à mesure que les racines de l’arbre se ramifient, favorisant ainsi la formation de racines très fines dans le pot. Plus les racines sont fines, plus le feuillage de l’arbre sera dense et petit.

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L’akadama est maintenant disponible chez Centre Jardin Paradis par le biais d’Art et culture Bonsai. Avec votre rabais du Groupe Bonsai Québec, une poche de 10 litres vous coûtera 51$ taxes incluses.

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Les substituts à l’akadama: la plupart des gens essaient de remplacer l’akadama par le turface, qui est aussi une pierre d’origine argileuse. Cependant, le turface est, à mon avis, à éviter à tout prix. La première raison vient du fait que les molécules organiques et les ions ne sont pas aussi ”disponibles” que pour l’akadama avec le turface. La deuxième, c’est que la rétention d’eau du turface est hautement imprévisible. À l’intérieur d’une heure, le turface peut passer de complètement mouillé à complètement sec, mettant sérieusement la vie de vos arbres en danger (je peux vous en glisser un mot). Le turface a donc pour effet de former un système racinaire rachitique et aléatoire. Si vous n’êtes pas convaincu(e), lisez cet article de Michael Hagedorn. Une autre solution est d’inclure de l’écorce de pin ou de coco compostée. Cette composante aiderait à fournir les éléments organiques nécessaires à la croissance de l’arbre, mais il semblerait que les vertus de l’écorce dans les substrats à bonsai aient été largement exagérées. En conséquence, plusieurs pépiniéristes délaissent progressivement l’écorce dans leur substrat. La meilleure solution serait selon plusieurs, si vous ne voulez pas payer pour de l’akadama, de faire un substrat composé uniquement de pierre volcanique et de perlite, quitte à augmenter l’apport en matière organique à l’aide d’engrais organiques.

Pierre volcanique

Si l’akadama est la composante la plus dispendieuse à obtenir, la pierre volcanique est certainement la plus pénible, car vous devrez l’obtenir à la sueur de votre front. La raison est fort simple: la pierre volcanique de grade 2-5mm n’est pas disponible en pépinière. Il faut donc acheter un sac de pierre volcanique décorative 3/4 – 1 1/2”, puis fragmenter la pierre en petits morceaux appropriés pour un substrat à bonsai. Le bon côté de la chose, c’est qu’un sac de pierre volcanique ne coûte que 14$ et se retrouve dans la plupart des pépinières. En tout et pour tout, cela m’a pris 4 heures pour fragmenter un sac au complet, et le résultat net (tamisé) donne 10 litres de pierre volcanique.

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Fragmenter la pierre volcanique n’est cependant pas chose facile. J’utilise, à la recommandation de mon bon ami Alexandre Dufour, un compacteur pour sol de chez Canac Marquis. Je place quelques roches sur un bloc de béton, puis je frappe avec le compacteur. Je fracasse la roche en morceaux plus petits, mais pas trop pour ne pas avoir trop de pertes.

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Je tamise pour éliminer les poussières avec la grille de 2 mm, puis je tamise avec la grille de 5 mm pour éliminer les gros morceaux que je remets dans ma chaudière ”à fracasser”. Voici le résultat:

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Substituts: La pierre volcanique est très poreuse. Cela lui donne donc de belles qualités quant au rapport drainage versus rétention d’eau. Comme le but premier de cette composante est le drainage, il serait donc possible de le substituer par du granite concassé, qui possède lui aussi un pH relativement neutre et est assez inerte en termes d’échange avec la plante. Vous en trouverez chez Carrière Québec à Val-Bélair à un prix dérisoire. À éviter: la pierre concassée grise, communément appelée gravelle, que l’on trouve dans toutes les quincailleries. Cette pierre est calcaire et rendra votre pH alcalin, rendant plusieurs minéraux comme le fer insolubles dans l’eau à ce pH. La plupart des espèces préfèrent un substrat légèrement acide. Pour connaître le pH idéal de certaines espèces utilisées en bonsai, veuillez référer à cette page.

La perlite

La perlite est l’élément le plus facile à trouver et le moins couteux, mais c’est aussi la composante ”imparfaite” du mélange. Elle a la même propriété que la pumice, celle ”d’allégeant” dans le substrat. Perlite et pumice sont toutes deux des pierres d’origine volcanique à pH neutre et à porosité élevée qui sont capables d’absorber l’eau pour la relâcher progressivement. Le seul défaut de la perlite est qu’elle est si légère qu’elle flotte à l’arrosage et a tendance à se retrouver à la surface du substrat. Qu’à cela ne tienne, vous la trouverez dans toutes les pépinières et il vous en coûtera 7-9 $ pour une grosse poche qui, une fois tamisée, vous donnera aussi 10L. N’oubliez pas de la tamiser pour obtenir un grade 2-5mm. La perlite a aussi, comme l’akadama, la propriété de se fragmenter avec le temps.

Le charbon horticole

C’est la composante de mon mélange que je souhaite améliorer. Je n’ai trouvé que du charbon de grade 1-2mm, ce que je trouve trop petit pour mon mélange. Idéalement, j’aimerais trouver du 2-5mm. Je serai content de recevoir vos commentaires si vous connaissez un endroit à Québec qui en vend. C’est une composante très peu dispendieuse…

Conclusion

Je vous laisse faire vos propres calculs, mais avec la méthode que je viens de vous proposer, il vous en coûtera 51+14+9 $ pour 10+10+10L = 74$ pour 30L de substrat, ce qui fait 2,47$ du litre. Vous pouvez aussi inclure vos déplacements dans la ville de Québec et le 29$ pour le prix du compacteur (que vous n’aurez qu’à payer une fois). Comparez cela à ce que vous utilisez présentement en incluant le coût de votre transport pour vous rendre dans différentes régions du Québec ou le prix du shipping, et dites vous que vous pourriez avoir accès à un substrat professionnel pour 2,47$/L sans avoir à sortir de Québec. Ultimement, si nous sommes plusieurs à Québec à consommer de l’akadama, nous pourrions avoir accès à des poches de 18L avec un meilleur rapport prix/quantité -> $/litre. Voici une photo du résultat:

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Je fais une dernière comparaison, celle avec le substrat d’Art et Culture Bonsai.

Substrat Arts et Culture Bonsai

  • Gravier de nature granitique
  • Turface
  • Écorce compostée(pin?)
  •  Perlite
  • Charbon horticole

Si vous ne voulez pas préparer votre propre substrat, voici l’option qui s’offre à vous si vous désirez vous procurer un substrat à bonsai à Québec. Le substrat d’Arts et Culture Bonsai  est en vente au coût de 20.65$ taxes incluses pour 4 litres chez centre Jardin Paradis. Cela revient à 5,16$ du litre…

2 comments on “Comment concocter un substrat presque parfait sans même sortir de Québec

  1. Merci pour ce bel article. Jacques.

    Le 13 septembre 2016 à 23:58, Parviflora Bonsaï a écrit :

    > christopherpedneault posted: “Vous aurez certainement remarqué le > ”presque” dans mon titre. Par ce terme, je réfère au substrat > ”parfait”, qui est en fait celui utilisé majoritairement au Japon et dont > voici la formule: Substrat pour conifères: 1 part d’akadama 1 part de ” >

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